La douleur dont j'ai besoin

Publié le par Serval

C’est à chaque fois la même chose. Cette cage qui absorbe ma poitrine, dont les barreaux d’acier m’empêchent de respirer. Ce souffle qui devient court, ce ventre qui devient le siège de toutes mes pensées, noué, déchiré, torturé. Cette boule qui remonte, qui m’étouffe qui grossit comme une pelote de laine  me raclant la gorge, m’ôtant la voix faisant saillir des gouttelettes au coin de mes yeux striés.

 

Pourtant la vie m’a appris à relativiser, a ne plus m’engager, a chercher systématiquement la porte de sortie, l’issue de secours, parcours jalonné d’échecs, paranoïa non autorisée mais toujours tapie. Chancre, cancrelat de mon esprit.

 

Je crois que je ne supporte pas le bonheur, en tout cas le mien. Que je cherches toujours la voie d’eau au lieu de regarder les vagues que fend la proue. Galérien, rameur, souqueur, venu d’un temps lointain.

 

Je l’attends, je sais qu’elle viendra.

 

Je sais par avance que chaque nouvelle histoire aura sa fin. Je ne peux pas, je ne peux plus concevoir que de l’éphémère. Pourtant dans tous les ports au j’ai cru accoster, j’ai cherché un havre. Pourtant à chaque fois je suis reparti coque éraflée, voiles déchirées. Parti au vent mauvais.

 

J’attend la fin comme si je cherchais a lire la dernière page du livre. Comme si je ne concevais pas les rivages, juste les traversées. Instinct de fuir. Lâcheté au milieu de l’océan. No man’s land ou je me ressource sans bouée, sans balise, sans sextant jusqu’à la prochaine escale.

 

Chaque aventure est une coupure, plus ou moins profonde, plus ou moins saignante. Je ne sais pas faire autrement que de larguer les amarres des que je me sens en danger. Danger de rester, de rebâtir, de respirer, de rester à terre. Alors je reste à quai. Au bout de la jetée. Jeté parfois, parti souvent. Horizon noir ou je me précipite. Précipice ou je tombe pour rejaillir dans les flots.

 

Liberté du flux et du reflux. Liberté au goût de cendres, au prix de la douleur. dont j’ai besoin pour me sentir presque vivant. Zombie trouant la nuit pour mieux s’y enfoncer à nouveau.



Publié dans Ecorchures

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